Du mardi 12 avril au vendredi qui suit, les jours défilent autant que les kilomètres.
J’annonce à maman rouler calmement sans trop forcer 80 ou 100 km par jour. Et puis les conditions s’y prêtent tellement que j’avale 150 ou 160 km chaque journée : pas trop de soleil, un ciel couvert, le vent dans le dos, des routes impeccables.
Je ne sens pas trop la fatigue.
Grisé par l’envie d’arriver rapidement à Abidjan qui représente un symbole fort de mon périple pour moi.
Je suis toujours autant l’objet de curiosité lorsque je traverse les villages. A chaque arrêt, on s’agglutine autour de moi.
Mon vélo fait l’effet d’une Lamborghini au milieu d’un rassemblement de vieux carrosses.
On me pose beaucoup de questions.
Ce qui me frappe c’est le rapport au mariage, au sexe opposé.
Il n’est pas pensable pour eux que je ne sois pas encore marié.
S’ensuivent souvent des conversations où un monde de coutumes et de traditions nous séparent.
Et je peux comprendre que cela divise parfois.
On n’est pas tous obligés d’avoir le même point de vue pour vivre des moments de joie qui rassemblent.
Le rapport à l’argent est aussi particulier.
Je suis le blanc supposé « riche », celui sur qui ils ont un droit de réclamation en quelque sorte. Un espèce de droit de passage pour toutes les offenses passées et subies…..peut-être (ou quelque chose comme ça)
Et puis la valeur des billets est tellement particulière par rapport à chez nous.
Ici pas de carte bancaire.
Les billets sont pliés, enroulés autour des doigts. Ils payent sans même prendre la peine de les déplier.
C’est tellement étrange ces échanges dans une monnaie que tu ne maîtrises pas : il faut totalement faire confiance à la personne avec laquelle tu réalises des transactions ultra rapides. Elle te rend des liasses (les plus gros billets ne dépassent pas quelques euros)…que dis-je, des boules de papier.
Et le temps que tu les déplies pour compter et vérifier, la personne n’est déjà plus là.
Ça s’appelle certainement le lâcher-prise monétaire 😁
J’apprends donc à décoder ces pratiques particulières.
Ils calculent presque au poids ou à la couleur des billets, qui n’ont visiblement pas beaucoup de valeur. Contrairement à mes gourdes! Je découvre qu’il m’en manque 1 un jour matin.
Elle sera donc le trophée d’un Ivoirien et j’espère qu’il se rappellera ainsi de mon passage pendant de nombreuses années 😁
Le vendredi 11 avril, j’arrive enfin à Abidjan et je suis submergé par une émotion inattendue.
Cette étape représente exactement la moitié de mon voyage.
4 mois.
9000 km.
Ça m’a fait un truc violent dans le creux de mon ventre.
Une prise de conscience.
J’en suis là.
Déjà et seulement.
Si vite et si lentement.
La dualité des sentiments qui me traversent depuis des semaines.
Un truc beau et parfois mélancolique et douloureux.
La puissance des rencontres, des découvertes et puis la réalité brutale qui me rappelle l’éloignement de ma famille à chaque coup de pédale.
Elle m’est souvent difficile à vivre et pourtant nécessaire à la concrétisation de cette histoire.
Et je sais qu’il me reste la même chose à réaliser.
Les larmes sont montées mais le moral n’a pas baissé ❤️
Ma place est juste là où elle doit être.
Et je prends conscience que l’équilibre que je me suis construit depuis le début a légèrement fléchi. Que certaines priorités ne le sont plus vraiment alors que d’autres prennent toute la place.
Comme un tétris. Tout s’emboite en fonction de la place de l’une ou de l’autre.
J’ai ce souvenir de cette décision de prendre le train pour arriver à Bordeaux (pour une raison de timing à l’époque) et de l’état dans lequel j’étais suite à ce choix. J’avais l’impression de me trahir bêtement.
Aujourd’hui, même s’il devait arriver un gros pépin à mon vélo, cela ne remettrait pas en cause ce périple. J’avancerais peu importe la manière.
En stop, à pieds, en voiture, en camion,….
Tout ça n’a plus l’importance du début.
Le défi sportif a basculé bien en-dessous du défi humain, celui de construire du lien et de croire encore au travers de cette histoire en l’humanité.
La solidarité qui se crée chaque jour avec et en dehors des réseaux, tout au long de mon trajet me porte bien plus que mes jambes sur mon 2 roues.
Je ne cherche en fin de compte à ne rentrer dans aucun livre des records. (« Yanis respire, tout ça t’appartient » c’était déjà les mots de mes parents avant Bordeaux 🙏)
Ce qui compte entre Ramet et Le Cap des Aiguilles tout compte fait c’est l’Aventure qui s’y joue jour après jour. Avec, aussi, les doutes, les peurs, les questionnements et les réalignements.
C’est mon histoire.
Et je vous la raconte telle qu’elle se passe à l’intérieur et à l’extérieur ❤️
À Abidjan, je suis accueilli par une formidable personne au cœur immense.
Véronique a créé une fondation pour aider les enfants à se scolariser.
Sa maison ressemble un peu à la mienne ❤️ Il y a toujours des gens, des amis qui rentrent et qui sortent. C’est plein de vie, de chants et de joie.
Tonton Yanis (ça ne me quitte pas) est évidemment prêt à prendre un bout de place au milieu de tout ce beau monde pour quelques jours.
Le temps de faire tous les papiers, les visas suivants et les réparations nécessaires au bolide 🚲
Je vais au foot avec les enfants, au baptême d’une, à la fête d’une autre….je partage les moments de vie du village.
Je mange la chasse du jour (je suis même tombé sur la balle! 🫣) et je découvre les Maki (des petits marchés/ bars avec cuisines locales )
Je pense qu’Abidgan est la ville où je me sens le mieux depuis le début de cette aventure.
Ils sont d’une gentillesse avec moi ❤️
J’ai même eu droit à une séance relooking capillaire.
J’ai des petites tresses depuis hier soir (je pense qu’elles rêvaient toutes de toucher mes cheveux qu’elles trouvent très exotiques 😂😅)
Je rêve de conserver dans un coin de mon cerveau toutes leurs expressions aussi drôles qu’ensoleillées : donne-moi l’envie de boire = santé ❤️
Je vous souhaite de belles fêtes de Pâques.
A+ pour la suite des aventures ❤️
y.



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